Une partie des élèves de l'AEC qui ne préparait pas le Concours de la Résistance a répondu à l'appel lancé par le Château de Pierrefonds pour effecter un autre concours intitulé "Carnet de Poilu". Comme son nom l'indique, il s'agissait d'inventer un parcours de soldat que les péripéties de la Grande Guerre devaient amener à cantonner dans le Château de Pierrefonds. A partir de ce postulat, quelques élèves: Alex, Axel, Dylan, Thomas, Véda, Maéva, Juliette et Lucie se sont mis au travail sous le contrôle de leurs deux professeurs d'Histoire. Ils ont créé un Poilu, qu'ils nommé Eugène BITTINI, d'origine corse et ont retracé, en collant au plus près de la vérité historique et en utilisant leurs connaissances, son parcours entre Août et Novembre 1914, soit de sa mobilisation à sa mort. Ils ont également utilisé les apports des sorties effectuées sur les sites 14-18 avec le groupe.
Nous vous en livrons le récit. Bien que remarqué par l'équipe pédagogique du château, leur travail n'a pas été retenu parmi les 3 meilleurs. En revanche, il sera visible tout l'été au château aux cotés de ceux réalisés par les autres lauréats. Nos élèves ont reçu en souvenir de leur participation à ce travail d'écriture un très beau diplôme.
Nous félicitons le groupe pour la qualité de leur production et en particulier Juliette pour l'immense travail de retranscription effectué et Noémie qui a réalisé les dessins illustrant le récit.Ceux-ci sont publiés avec son autorisation et témoignent d'un réel talent.
L'Equipe AEC
Je m’appelle Eugène BITTINI ; je suis né à Zévaco en Corse le 14 décembre 1882. Je suis de la classe 1912 et appartient au 2è Bataillon du 173è R.I. d’Ajaccio. J’ai 32 ans. Je suis marié à Blanche Gravini et nous avons 3 enfants ; Jeanne 9 ans, Elise ; 7 ans et Désiré ; 4 ans. Nous tenons une épicerie sur la place du village.
2 Août 1914. ZEVACO
Je suis en train de ranger mes conserves quand j’aperçois à travers la vitrine le garde-champêtre qui accroche une affiche sur la porte de la mairie. Je suspends mon travail pour sortir de ma boutique et je reconnais l’ordre de mobilisation générale. Je ferme la boutique et vais rejoindre Blanche et les enfants ; Jeanne, Elise et Désiré pour les avertir de la grande nouvelle. Mon cœur bat très vite… Je pense à eux et me demande comment ils vont se débrouiller sans moi. Blanche, choquée, sort de la maison pendant que j’explique aux enfants que je dois partir en voyage pour un certain temps. Le soir Blanche me prépare le nécessaire : 2 ou 3 saucissons de pays, quelques biscuits, une gourde d’eau, des mouchoirs, un savon de Marseille et des vêtements de rechange, de quoi écrire et une photo du village.
3 Août 1914. Départ de Zévaco
Je me lève tôt ce matin et pars sans attendre de la maison, ému de quitter ma campagne natale, mes châtaigners, le maquis. Je regarde mon village s’éloigner. Après une journée éprouvante de marche, j’arrive à Ajaccio où je rejoins le 173è à la caserne Molliès pour la nuit. On m’informe que mon départ en bâteau pour le continent est prévu pour le 7 vers 18h.
5 Août 1914. Ajaccio.
Après une journée entière passée à la caserne, aujourd’hui, j’ai la journée libre dans Ajaccio. J’en profite pour aller voir des amis de longue date et ensemble nous allons boire un verre au bistro du port comme d’habitude, comme si de rien n’était.
7 Août 1914 Ajaccio
C’est le jour du grand départ. Blanche et les enfants me rejoignent à 14h sur le port. A 18h ; nous nous rendons au bâteau. Je dis au revoir à la famille ; bien triste de la quitter. Blanche m’offre ce carnet en me disant d’écrire tout ce que je vais vivre pour plus tard. Je le commencerai dans le bateau. Il est maintenant l’heure d’embarquer. Je leur fais signe de la main du pont supérieur. Quelques larmes coulent sur mes joues mais le devoir m’appelle. Tout à coup, j’aperçois mon ami Louis. On se fait une accolade brève mais chaleureuse. Par chance ; on est dans la même cabine qu’on partage avec Ange, un gars de Borgo, Etienne de Luccina et un autre gars de Bastia.
8 Août 1914. Marseille
Je me réveille et après avoir bu un jus et avalé une ration, notre lieutenant nous appelle et nous donne notre ordre de mission. Nous sommes appelés en Lorraine. Nous arrivons enfin à Marseille. C’est la première fois que je viens sur le continent. Un de mes camarades a été malade durant tout le voyage. Descendus du bâteau, on nous dirige, nous les Corses vers une caserne où nous devons attendre chacun notre tour pour passer la visite médicale. Le médecin nous fait faire des exercices physiques. Je suis apte au combat…
9 Août 1914. Marseille
Journée libre, tant qu’à faire, j’en profite pour aller visiter le célèbre Vieux Port avec Louis et Ange. D’ici ; on voit Notre-Dame de la Garde que je leur propose d’aller visiter. La Basilique est très grande et très lumineuse grâce à ses mosaïques dorées. La statue de la Bonne Mère semble veiller sur la ville. De retour, nous nous arrêtons dans un bistrot de la Canebière. De nombreux soldats sont là en train de boire, de parler fort et sans doute d’oublier leur peine. Quelques heures après ; nous rentrons à la caserne du Muy.
11 Août 1914 Départ de Marseille pour la Lorraine
Il est 5h30 ; et c’est pour nous le moment de nous rendre à la Gare St Charles. Il y a beaucoup de monde et de bruit, un va-et-vient incessant de soldats, de civils, de femmes et d’enfants en pleurs. Le crissement des freins du train sur les rails me ramène à la réalité ; c’est le train qui va nous emmener à la guerre. Je m’assieds dans le compartiment à coté de mes camarades. Le trajet est très long, alors on joue aux cartes ; on chante à tue-tête le chant du 173è « Aio Zitelli ». Certains entonnent des chants corses. Nous avons fait de nombreux arrêts dans les gares d’Avignon, Valence, Lyon, Mâcon, Dijon et à chaque fois de nouveaux soldats venus de toutes les régions voisines montaient avec leur accent différent et leur mine défaite. Pas tous ; certains ont l’air plutôt joyeux et confiants en la victoire. J’aimerais tant être comme eux. L’arrêt à Lyon-Perrache est très long ; il fait une chaleur à crever dans ce train.
12 Août 1914. Nancy
Je suis enfin arrivé à Nancy, à la caserne Molitor où je m’installe. Les journées en caserne sont plutôt longues et monotones.
14 Août 1914. Nancy
Changement de programme. Le colonel de la caserne nous informe ce matin à l’appel que nous devons reprendre le train pour le Nord. Les Allemands ont attaqué la Belgique et ont sûrement l’intention de forcer nos frontières là-haut. Dans les rangs, ça grogne et l’on entend voler des insultes contre les Boches qui ont violé la neutralité des Belges. Départ demain au petit matin.
15 Août 1914
Nous revoilà dans un train et celui-ci nous conduit à Paris ; passage obligé pour le Nord. Il y a un très grand manque d’organisation, le train est arrêté à plusieurs reprises, le trajet est long, j’essaie de dormir quelques heures, je discute avec mes camarades. Ils ne comprennent pas plus que moi ce qui se passe. On espère pouvoir prendre un peu de bon temps à Paris avant d’aller au feu.
16 Août 1914 Paris Gare de l’Est
Je pose pour la première fois le pied à Paris. J’en ai beaucoup entendu parler mais je n’ai pas eu encore la chance d’y aller. L’ambiance y est lourde, pesante, mes camarades et moi marchons dans le bruit, les soldats parlent fort, les trains qui sifflent et freinent font un de ces vacarme ! On passe la nuit à la gare, mais j’ai du mal à trouver le sommeil.
17 Août 1914 Paris
Journée libre dans Paris. Mes camarades et moi voulons absolument voir la Tour Eiffel ; la grande « Dame de Fer ». Je suis stupéfait, elle est tellement grande et si belle. Puis, nous allons aux Invalides ; voir le tombeau de Napoléon. Il est fait de marbre et de bois. Je suis ému et me recueille devant la tombe de mon compatriote. On se fait prendre en photo devant avec les copains pour l’envoyer à nos familles. J’aurais jamais cru que la guerre nous conduirait là. Nous nous dirigeons ensuite vers une brasserie pour manger un morceau et nous désaltérer. On fait un crochet par l’Arc de Triomphe et les Champs Elysées mais il nous faut aller à la Gare du Nord. Nous décidons avec un peu d’appréhension de prendre le Métropolitain. Ce fameux train souterrain ! Quelle épopée !
18 Août 1914 Paris
Ce matin, c’en est fini du tourisme à Paris, nous partons pour Valenciennes, le moral des lendemains de fêtes. A u cours du trajet, les rumeurs sur les Boches vont bon train. On dit qu’en Belgique des Uhlans ont pillé des maisons torturé des civils et abusé de jeunes femmes. Ces idées me répugnent ainsi que tous mes camarades. Les Boches sont des monstres ! En fin de journée, nous débarquons à Valenciennes, puis la caserne. Dans le régiment, le bruit court qu’on va être dirigé sur Charleroi où une grande bataille s’annonce. Mais, ce sont des rumeurs. Quel crédit leur apporter ?
19 Août 1914 En route vers Charleroi
Il est 6h45 quand nous levons le camp. Une grande journée de marche m’attend. Après un rapide casse-croûte, on se met en rang et traversons la campagne en direction de la frontière, au milieu des champs de betteraves et de blé. Journée épuisante, tout le monde est fatigué. Mon havresac me fait mal au dos et il fait très chaud.
20 Août 1914 Charleroi
La nuit dernière malgré l’épuisement, je n’ai pu dormir. L’imminence de la bataille m’angoisse.
21 Août 1914 Charleroi
Aujourd’hui, c’est mon baptême du feu. Armés de nos Lebel et de nos baïonnettes, nous vivons des moments de combats très rudes. Beaucoup de soldats sont fauchés par les mitrailleuses ennemies. Nous nous cachons derrière des talus et des buissons. Autour de moi, je vois des corps désarticulés et sanglants qui recouvrent le sol. Mon bel uniforme bleu et rouge garance n’est plus que sang et terre. J’apprends que Louis a été tué. C’est un choc !
22 Aout 1914 Charleroi
Je ne sais pas comment j’ai pu m’endormir, mais c’est un cauchemar qui me réveille en sursaut. J’ai revécut la bataille d’hier, revoyant mes camarades tomber par dizaines. Le sol me fait mal au dos. Mon Dieu que fais-je là ?
24 Août 1914 Charleroi
Nous combattons depuis notre arrivée à Charleroi il y a 4 jours. Beaucoup de mes camarades ont été tués et tout juste enterrés que nous avons reçu l’ordre de faire demi-tour sur Noyon. Au régiment, on se demande bien pourquoi ? Il y en a certains qui disent comprendre que les Boches nous mettent la piquette !! Je n’ose y croire ! Ange est porté disparu. Le reverrai-je ?
Je me suis fait un copain sur le front ; il s’appelle Paul-Henri ; un gars de Bastia, et je crois bien qu’il sera l’un de mes seuls amis parce que nous les gars du Sud ; on a une mauvaise réputation. On dit que nous sommes fainéants, lâches. Pourtant, on y est allé comme les autres au feu ! C’est pas juste !
27 Août 1914
Nous avons passé Péronne, je suis de plus en plus fatigué ; mes jambes, mes pieds ; je ne les sens plus. Après Noyon, on nous dirige sur Compiègne. On ne sait pas où l’on va, mais ça sent le repli vers le sud. Les villageois qui nous voient passer s’interrogent et nous posent de s questions auxquelles nous ne savons que répondre.
29 Août 1914 Compiègne
Nous sommes au Château de Compiègne pour la nuit. J’en profite pour me reposer un peu avant le départ. Encore un signe du destin, je suis dans le château que fréquenta un autre Corse…bien plus illustre que moi ! Quelle splendeur ! Il y a d’innombrables pièces et les meubles sont si beaux. Malgré cela, je m’inquiète de la tournure que prennent les évènements. Les combats ont été si cruels !
1er Septembre 1914. Senlis
Je suis à Senlis et avec mon copain Paul-Henri, nous sommes si fatigués. La population de la ville est très inquiète et se barricade dans les maisons. Les civils nous voient reculer et craignent l’arrivée des Allemands.
4 Septembre 1914
Hier, nous sommes arrivés à Nanteuil-le-Haudouin par Fontaine-les-Corps Nus. Nous nous reposons dans une grande ferme. Nous mourons de faim et sommes obligés de nous servir pour manger, boire, utiliser la paille pour nous faire un lit. Les bêtes n’en peuvent plus. Demain, on nous envoie sur Bouillancy. Les Allemands ne vont plus paraît-il sur Paname, mais sur Meaux. Ca sent la bataille de la dernière chance.
9 Septembre 1914
Les trois derniers jours ont été éprouvants. Le 6, nous nous sommes battus dans le petit bois de la Tour au Bas-Bouillancy. Nous entendions le sifflement des 77 boches tirés d’Etavigny. Mon ami Paul-Henri y est resté. J’ai pris moi-même la peine de creuser sa tombe et de la recouvrir de pierre. J’ai bricolé une croix avec sa baïonnette pour marquer son emplacement. Ce bois restera un lieu traumatisant de ma vie, mais il faut continuer de combattre et c’est comme ça qu’on a réussi le 7 à reprendre Fosse-Martin. Les combats autour de la Ferme de Nogeon ont été féroces, mais un drapeau a été enlevé aux Allemands par un des notres. Il paraît qu’un régiment est arrivé en taxi en renfort ... Aujourd’hui, les Allemands ont reculé sur l’Ourcq et je mets mes quelques forces à écrire à Blanche.
12 Septembre 1914
Depuis 3 jours, nous marchons en direction de Mareuil –sur-Ourcq et la Ferté-Milon. Mais cette fois, c’est nous qui poursuivons les Boches. On parle de victoire, de miracle et c’est vrai, cette marche nous paraît étrangement moins fatigante. De là, nous passons à Villers-Cotterêts et les plateaux du Soissonnais pour atteindre Vic-sur-Aisne où je me trouve au repos. Je ne remets pas de la mort de ce pauvre Paul-Henri. Je ne fais qu’y penser.
15 Septembre 1914
Nous avons été envoyés près de Fontenoy dans la vallée de l’Aisne pour trois de repos. Demain, nous allons tenter de passer l’Aisne pour grimper sur les hauteurs où se sont retranchés les Allemands.
23 Septembre 1914 Passage de l’Aisne
Ces derniers jours ; pas le temps d’écrire. Nous avons finalement passé l’Aisne, ça a été très dur, les Boches ayant détruit tous les ponts. Nous avons été obligés de passer sur les ponts-péniches que le Génie a disposées sur la rivière. Pendant ce temps, nous étions mitraillés et canonnés par les Allemands bien planqués sur les hauteurs. Nous avons réussi à les en chasser et les poursuivre jusqu’à Nampcel.
29 Septembre 1914 Nampcel
Depuis plusieurs jours, c’est une drôle de guerre que nous menons. Nous avons troqué le Lebel contre des pelles et des pioches pour creuser des tranchées. En face, ils en font autant. Dieu sait combien de temps on va y rester ? Il paraît que le fils de Guillaume, le Kronprinz va venir en personne commander ses troupes ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre comme ragôts !
13 Octobre 1914 Nampcel
La bataille qui vient de se jouer à Nampcel a été un enfer indescriptible. Finis les grands mouvements de troupes, on a vécu des tranchées boueuses, humides, infestées de rats, mais nous nous battons la tête haute, sans aucune pitié. Mais, au fond de nous, nous avons tous peur quand nous entendons ce bruit, ce bruit horrible qui est celui de la « faucheuse », des bombardements et des schrapnells. Nous avons perdu tant de nos camarades ! Combien ? Qui peut le dire ? Mais le plus dur est de les enterrer…
15 Octobre 1914 Pierrefonds
Aujourd’hui enfin, nous sommes relevés par le 238è et sommes évacués sur Pierrefonds en train.
16 Octobre 1914 Pierrefonds
Par la vitre du train, j’aperçois, comme dans un rêve, un cadre magnifique avec un grand lac entouré d’une forêt très dense aux très belles couleurs d’automne, qui ne ressemble en rien à nos forêts méditerranéennes. Mais aussi de belles résidences bourgeoises et des hôtels fermés. A première vue, ce cantonnement va prendre des allures de villégiature ! En descendant du train à la petite gare très jolie de Pierrefonds les Bains, nous découvrons la masse imposante et époustouflante du château.
Avec les gars du régiment, je me présente à un baraquement pour y être enregistré. On nous assigne le château comme lieu de cantonnement ! On se regarde tous un peu interloqués. Nous montons vers le château et constatons que quelques commerces sont restés ouverts. La ville pullule de soldats. On s’installe dans cet immense château blanc aux tours rondes. On se croirait dans un roman de Victor Hugo. Les salles sont gigantesques, notamment la salle des Preuses transformée en dortoir géant. C’est que je m’installe sur une paillasse. Au dessus de ma tête, malgré le vacarme des soldats surtout les Spahis d’Afrique je peux contempler la drôle de voûte de la salle. On dirait une coque de bateau à l’envers. Il y a aussi des statues de femmes sur une cheminée auxquelles beaucoup d’entre eux rêveront je pense. .. Un gars me dit que c’est Napoléon le petit qui a fait reconstruire le château. Décidémment, les Bonaparte sont partout.
18 Octobre 1914 Pierrefonds.
Aujourd’hui ; je suis allé visiter la ville avec les copains. Nous passons devant les hôtels desertés à cause de la guerre. Certains comme l’Hôtel des Thermes est un hôpital. Nous allons boire un verre dans un café. Je leur fais part de la remarque que j’ai entendue dans la journée contre nous : « Tiens v’là ces feignants d’Corses ! ». Cela m’a vexé. A 20h, nous sommes rentrés au château à cause du couvre-feu.
20 Octobre 1914. Pierrefonds
En me levant, j’ai pris la décision d’aller à l’église, comme beaucoup d’entre nous, et prier pour mes amis tombés au combat, en particulier Paul-Henri.
22 Octobre 1914. Pierrefonds
Aujourd’hui, pas de soleil ; aussi restons-nous au château ; pendant que d’autres vont affronter la pluie. Il fait sombre. Nous jouons aux cartes ; à la manille. C’est un jeu qui me fait penser à mon village où j’avais l’habitude de jouer. Pour certains c’est nouveau.
24 0ctobre 1914. Pierrefonds
A la mi-journée ; ordre nous est donné d’aller dormir au Château de Jonval ; une belle demeure située de l’autre coté du lac pour laisser la place à de nouvelles unités de retour des tranchées.
25 Octobre 1914. Pierrefonds
En rentrant au Château ; nous apprenons que des gars du 35è Régiment sont repartis au front. Lors de leur passage au château, ils ont laissé leur marque comme des gravures sur les murs et des dessins au crayon. On voit représenté un loup casqué très bien fait. J’ai bien envie de laisser ma trace aussi et d’écrire la devise du 173è « Aio Zitelli ! »
27 Octobre 1914. Pierrefonds
Aujourd’hui, on a manqué de bois et le froid a envahi ce grand château. Alors, les copains et moi avons été de corvée dans la cour. Mais le bois n’était pas sec et nous n’avons que ça pour nous chauffer.
28 Octobre 1914. Pierrefonds Palesne
Balade au hameau de Palesne sur la route de Crépy. Sur les hauteurs ; d’énormes fermes. On croise sur le plateau un groupe de Spahis que je prends en photo. Un terrain est un centre d’entraînement pour l’aviation de reconnaissance. Des Farman et des Caudron survolent fréquemment le château.
29 Octobre 1914. Pierrefonds
Je vois le retour de soldats du 35è. Ils sont peu par rapport à leur départ. Beaucoup sont blessés, parfois entre la vie et la mort. Quand je vois tous ces dégâts dus la guerre je me dis que j’ai de la chance de ne pas en être. Je prends du recul.
30 Octobre 1914. Pierrefonds
Cette nuit, j’ai fais un cauchemar lié à la bataille de Nampcel. Le fait d’avoir vu ces soldats amochés hier, défigurés, m’a fait repenser à mes anciens copains avec qui j’ai combattu. Quelle sale guerre !
31 Octobre 1914. Pierrefonds
Aujourd’hui, pour nous changer les idées, nous sommes allés voir une pièce de théâtre montée par des gars du régiment. Tout le monde s’est pris au jeu, même mon copain Thierry qui s’est déguisé en femme ! On a bien rigolé !
1er Novembre 1914. Pierrefonds
Au programme de la journée ; nettoyage des armes. Le fourrier nous donne de nouveaux uniformes bleu horizon un peu plus discret et un casque ; c’est pas trop tôt !! Mais,cela n’annonce rien de bon. Effectivement, on apprend que c’est à notre tour de monter en premère ligne. Je profite d’un dernier moment libre pour descendre au village acheter quelques souvenirs aux commerces restés ouverts pour Blanche et les enfants ainsi qu’ une carte postale du château que j’écrirai dans quelques jours à un moment perdu. Demain, on y retourne, le cœur serré.