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5 mars 2017 7 05 /03 /mars /2017 16:41

C'est avec un grand plaisir que nous recevons ce vendredi à l'AEC

                                     Simon et Anne-Marie NOWAKOWSKI

pour une conférence-témoignage sur leur expérience d'enfants durant la guerre de 1939-1945. Bien connus des habitants de Betz où ils vivent depuis des décennies; ils ont accepté notre invitation avec gentillesse et simplicité, répondant aux questions des élèves sur l'Exode, l'Occupation, la Résistance, la Libération. L'émotion encore bien palpable malgré les années passées, ils nous ont livré une belle leçon d'histoire locale et personnelle comme l'AEC les aime. Un témoignage rare et précieux pour l'histoire de nos villages.

Nous vous proposons pour illustrer cet article l'interview de M.et Mme Nowakowski faite il y a 4 ans par l'AEC

Un grand merci à Simon et Anne-Marie pour leur témoignage qui restera dans nos mémoires et dans l'histoire de l'AEC.

L'Equipe AEC

M.et Mme NOWAKOWSKI: 2 enfants de Betz et Lévignen durant la Seconde Guerre Mondiale
M.et Mme NOWAKOWSKI: 2 enfants de Betz et Lévignen durant la Seconde Guerre Mondiale

                         INTERVIEW accordée à l'AEC par M.et Mme NOWAKOWSKI

AEC. : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

S.N. : Je m’appelle Simon NOWAKOWSKI. Je suis né à BETZ en 1932, d’origine polonaise. J’avais 7 ans en 1939. Mon métier était maréchal-ferrant puis dans la mécanique agricole.

Mme N. : Je suis Anne-Marie l’épouse de Simon née Pardanaud. Je suis née à Lévignen . J’avais entre 8 et 11 ans pendant la guerre.

AEC : Racontez-moi l’Evacuation en Juin 1940

S.N. : Nous l’avons vécu en 2 fois avec un intervalle de 15 jours environ. La première fois nous sommes allés à ST-Soupplets. Nous ne sommes pas partis en même temps que les chevaux Nous habitions dans la ferme Duchesne ; mon père était vacher et M.Duchesne qui habitait la maison bourgeoise qui donne sur la rue Beauxis-Lagrave, avait un tracteur, son chauffeur Jacques Arnoux avait été mobilisé, ses parents tenaient le coopérateur (à l’emplacement du notaire actuel). Mon père a pris le tracteur, on a pris nos valises, quelques affaires de M.Duchesne (Mme Duchesne n’était pas encore partie). On avait ordre de faire escale à St-Soupplets dans la famille Boisseau (de la famille Hamelin). On est arrivé le soir et le lendemain on a appris que c’était une fausse alerte et qu’il fallait qu’on rentre.

Quinze jours après, nous sommes repartis en charrette vers le 15-16 Juin si je ne me trompe pas. Entre temps, mon père avait été mobilisé dans l’Armée Polonaise.

Je me souviendrai toujours, on passait dessous le chemin de fer avec mon oncle ; un Polonais arrivé à Betz en 1924 et par l’intermédiaire duquel mes parents sont venus en 1930. Il était plus âgé que mon père, et, lorsqu’il a reçu sa feuille de mobilisation il a refusé d’y aller, du coup, on le prenait presque pour un déserteur. Bref, nous sommes partis en charrette avec lui, elle était pleine car il y avait plusieurs familles et nous avons atterri à Melun. Là, on s’est fait mitraillé sous les peupliers et on s’est couché sous les charrettes. On a déchargé les charrettes et on a pris le train, des wagons à bestiaux direction Vannes où on a été dans un camp ; le camp de Meudon (situé dans le parc du château de Meudon à quelques kilomètres de Vannes) où nous sommes restés quelques jours. De là, nous sommes allés à Malestroit (certainement au Couvent des Augustines) dans le centre de la Bretagne. Mais comme les Allemands s’approchaient, on nous a évacué à Penestin ; à l’embouchure de la Vilaine.

Mon père était mobilisé ; on ne savait pas où il était. En réalité il était à Coetquidan. Lorsque nous sommes revenus au bout de 2 mois, je revois la ferme avec de la paille haute comme ça, la vieille machine à coudre Singer de Maman dans la cour. Les Evacués du Havre avaient pris possession de Betz et de Lévignen. C’était le chantier dans la maison ! Et quelle surprise : mon père était revenu ! En réalité il était à Coetquidan pour passer en Angleterre, mais il n’a pas eu le temps de partir ; les Allemands sont arrivés. Il a été fait prisonnier quelques jours et s’est évadé et ensuite il est revenu à pieds jusque Betz. En cours de route, il a acheté un vélo....

A la ferme, beaucoup d’ouvriers agricoles sont ensuite partis au STO ou autre comme Lesure, Mériguet, Vincent...Nous, on était un peu les gardiens de la ferme, alors on est resté là.

AEC. : Comment s’est passée la vie à Betz sous l’Occupation ?

S.N. : Ici ça c’est bien passé. Les Allemands étaient au Château .Les soldats campaient dans le parc. Je revois encore la voiture d’infirmerie avec la croix rouge qui sortait, les camions. M.Duchesne ; le Maire est passé pour un Collaborateur. Mais pas du tout. Ce monsieur avait fait de grandes études et avait appris l’Allemand qu’il parlait fort bien. Alors les officiers venaient voir le Maire. Les Allemands avaient pris possession de la ferme Duchesne pour les chevaux, mais pas celle de Brisset . Les chevaux étaient gardés par un jeune soldat polonais qui avait à peine 20 ans. Il était dans la même cour que nous ! Au château ; habitait un monsieur qui était Polonais, armé comme un officier. Il était le cordonnier de tous ces Messieurs. Il avait le doigt déformé ; il enfonçait les clous à sommier avec son doigt !! Eh bien, vous me croirez si vous voulez ; il venait à la maison écouter Radio-Londres ! Mon père n’avait pas peur, chez nous , on était entre quatre murs. Dans la journée, il venait 3 ou 4 Allemands pour aider le jeune à s’occuper des chevaux, puis ils faisaient un tour de garde, au pas à l’intérieur de la ferme et repartaient. Ce Polonais étaient contre les Allemands mais ne pouvaient rien faire. Il ne faut pas oublier que la guerre a éclaté à cause de la Pologne. Or, il y avait ici quelques familles de Polonais. Les Communistes étaient au départ avec les Allemands, du moins jusque fin 1941 début 1942 ; alors nous, on en a bavé !!

Nous, les Polonais ; on était très mal vus mais les enfants, nous avions de la chance car l’institutrice ; Mme Brisset (qui n’avait rien à voir avec la famille Brisset de Betz ) nous défendait lorsqu’on se faisait traiter de « sale polac ». Il faut savoir qu’on était jalousés, surtout nous, notre famille, car on habitait la ferme Duchesne, Maman était la dame de confiance de Mme Duchesne, on a été élevé avec ses enfants, j’ai appris le Français avec eux car au départ je ne parlais que le Polonais.

AEC. : N’y a –t-il pas eu un des fils Duchesne qui est mort à la guerre ?

S.N. : Il est mort le 2 Fevrier 1945, il avait fait l’Ecole de Saint-Cyr comme officier.

T.A. : Y avait-il de la Résistance à Betz ?

S.N. : Non ; il n’y avait pas de Résistants, si ce n’est un des Ponts et Chaussées ; M. Berche ? qui faisait de la Résistance avec Compiègne avec Bouquerel. D’ailleurs le réseau de Lévignen (Ardenois) dépendait aussi de Bouquerel. Dans ce réseau de Lévignen ; il y avait Pardanaud ; le frère de ma femme. A Betz ; il n’y avait personne. Les Français n’ont pas participé à la guerre. Les Polonais oui !!Mickalowski ; il est parti en 1939 et il est rentré fin 1945, ses frères aussi. Oleksi, Ciolek, les Klucharski Stéphane et Vitek sont partis, mais des Français ?

AEC. : Que savez-vous du bombardement de la gare en 1940 ?

S.N. : On a souvent dit que c’était un bombardement allemand, mais c’était un bombardement italien. Il y a eu 3 bombes sur la gare et d’ailleurs il y avait un trou derrière la gare dans le pré à M.Brisset, on le voyait tout le temps quand on allait au stade de football qui était sur la route d’Acy à gauche. (On a de grands souvenirs de foot de cette époque et François Brisset y a été pour beaucoup, il est resté le président du club pendant plus de 20 ans. Nous étions tous 2 des supporters du Stade de Reims, on avait une carte et on allait voir tous les matches que le Stade de Reims jouait en Coupe d’Europe à Paris. J’ai failli aller à Stuttgart voir la finale comme le Réal de Madrid et François Brisset m’a donné le billet. C’était en 1958.Il avait réussi à faire venir le Stade de Reims ici. J’ai même joué au baby-foot avec Kopa !!)

AEC. : Parlez-nous de la vie quotidienne à Betz pendant la guerre.

S.N. : Il y avait une salle de bal à Betz derrière la superette actuelle, dans le dépôt derrière, il y avait une belle salle ; on y faisait les bals des sociétés. Pendant la guerre les Allemands s’amusaient là. Il y avait quelques filles de la région qui venaient là... Puis après c’était avec les Américains ! Il y avait aussi un cinéma qui a commencé à la fin de la guerre en 1945 je crois, après les Américains. Mon père était l’opérateur. C’était un cinéma familial itinérant qui allait de village en village 7jours sur 7. Tous les mardis matins on recevait le nouveau film à la gare de Betz et on le passait tous les soirs et le dimanche après-midi et soir. On avait ainsi 8 séances de cinéma avec le même film qui tournait. La salle était au fond de la cour de l’actuelle Entreprise J.P. Delorme, juste avant le garage. Nous on a habité là, derrière les religieuses. Mes parents en bas, nous en haut. Il y avait là une belle salle avec une scène où sitôt la guerre on faisait aussi du théâtre. A la place du garage, il y avait à l’époque ; l’Hôtel de la Gare qui faisait tout le pâté de maisons. « Hôtel de la gare ; ici on loge à pieds, à cheval » !

Mme N. : A Lévignen aussi, nous avions une salle de cinéma. Elle était en face l’actuel garage (Bryard) parce que là ; il y avait un café-épicerie et derrière il y avait après une passerelle une belle salle.

AEC : Parlez-nous des Américains.

S.N. : Le 28 Août, le matin de bonne heure entre 6h et 8h, avec les deux fils Duchesne Claude qui est de mon âge et Hubert qui est un an plus jeune ; on était à la Grivette, car il y avait des Allemands aussi à l’autre château (le Moulin). La grille était grande ouverte : ils partaient !! On aurait pu avoir une grande bagarre s’ils n’étaient pas partis. Les Américains étaient à Meaux ; ils n’étaient pas loin. M.Duchesne, le matin était parti au Montrolles et il est revenu en vitesse car il avait entendu au loin sur Puisieux des tirs. Nous avions pour ordre de nous cacher dans la tranchée qu’on avait faite avec les enfants Duchesne dans le clos qui donne derrière l’ancienne gendarmerie.

Les Américains sont arrivés dans la matinée avant midi par la route d’Acy-en-Multien. Quand on les a entendus, on est sortis de la tranchée et comme j’avais un copain polonais qui habitait en face le garage ; mon copain Casimir surnommé « Cajou » j’ai couru tout de suite. J’étais aux premières loges. T.A. : Quel soldat ?

S.N. : Quand les chars américains sont arrivés à Betz par le carrefour du garage actuel, une voiture allemande qui s’était sauvée de Nanteuil arriva aussi au carrefour. S’en est suivie une fusillade durant laquelle; Marcel Vernet *de Villers St Genest, qui était à vélo a été abattu par les Américains ou les Allemands rue de l’Obélisque en face la maison Herrouin, un soldat allemand tué (soldat autrichien reposant au cimetière communal de Betz du nom de Friedrich KRIVANER) ainsi que 3 ou 4 blessés dans une voiture qui a pris feu, je crois. Toujours est-il qu’il y avait des religieuses qui habitaient un peu plus bas que le garage à l’étage et ce sont elles qui ont soigné les blessés. C’étaient aussi des Polonaises !! Je me souviens qu’avec mon copain on a été voir les blessés. Après la fusillade le char est resté un moment, d’autres arrivèrent qui allaient eux aussi sur Lévignen. Quand le premier char a repris sa route et passa devant chez les religieuses, elles avaient mis un drapeau français et un drapeau polonais à la fenêtre. Le soldat qui était dans la tourelle qui était un Canadien d’origine polonaise les félicita !

Marcel VERNET : Né le 9 Mars 1904 à Crépy, ouvrier agricole, il a formé un groupe de 8 jeunes et, à leur tête, il rejoint les FFI de Betz (O.C.M.) lorsqu’il est abattu.

AEC. : Les Américains sont-ils restés longtemps à Betz ?

S.N. : Non, ils n’ont fait que passer. D’ailleurs il en est passé durant plusieurs jours. Le fils Duchesne, qui était en vacances, avait une arme (les Duchesne étaient des chasseurs) et quelqu’un lui a dit qu’il y avait un Allemand dans le Clos (la prairie derrière l’ancienne gendarmerie où se trouvait la tranchée), alors il prit son fusil et a fait prisonnier l’Allemand qui s’est rendu. Moi qui était revenu à la ferme j’ai vu Henri (le fils Duchesne) faire monter l’Allemand dans un char et il est parti avec les Américains. Plus tard, Henri s’est engagé dans l’Armée et a été tué en Alsace le 2 Février 1945.

HENRI DUCHESNE : Né le 20 Mars 1923 à Betz, étudiant à Paris, il s’engage à la Libération et rejoint la première armée de De Lattre de Tassigny. Le 2 Février 1945, il est tué à bord de son char à Schoemstenbach dans le Haut-Rhin.

AEC. : S’il y eut peu ou pas de Résistance, y a-t-il eu de la Collaboration ?

S.N. : Pas beaucoup, comme partout, pas plus. Il y eu le cas de B. qui après la guerre a eu un accident de vélo....Il y a eu aussi le garde-champêtre qui d’ailleurs s’est suicidé, le chef de gendarmerie aussi au début, puis il est parti. A ma connaissance il n’y a eu que ces 3 là. G.le grainetier passait pour en être un, mais ce n’était pas vrai. V. Le greffier en était peut-être un peu.

AEC. : Finalement quelles ont été les victimes de Betz de cette guerre ?

S.N. : Il y a eu Bernard Hamelin en 1940, son cousin germain Henri Duchêne en 1945 , Lacorne ; un civil tué lors du bombardement de la gare et à l’arrivée des Américains Vernet.

AEC. : Aviez-vous de la famille restée en Pologne ?

S.N. : Oui et une grande partie a été déportée. Maman recevait toujours des lettres de Pologne de mes oncles et tantes. Le frère de mon père est allé dans un camp de concentration en Pologne. J’ai 2 tantes qui sont allées en Allemagne dont l’une a bien fini dans une ferme. Elle avait 20 ans et s’occupait de la ferme car les cultivateurs étaient partis à la guerre. Le frère de mon père qui était veuf était pas loin de Strasbourg et en a profité pour venir jusqu’ici. Mon père l’a fait embaucher pour la moisson de l’été 1945, puis il est reparti.

AEC. : Vous Mme Nowakowski, vous êtes originaire de Lévignen. Quels souvenirs avez-vous de la guerre ?

Mme N. : Je me souviens qu’à la déclaration de guerre, le soir, le ciel était rouge !!

S.N. : Ah oui !; Je me revois encore dans la ferme avec mes parents au coucher du soleil. Comme si cela annonçait une catastrophe ! ça nous a marqué.

AEC. : Avez-vous vu les soldats français en 1940 ?

Mme N. : Oui, nous avions une mitrailleuse dans le fonds de notre jardin. Nous avions un mur en briques avec une grille avec des barreaux et ça donnait sur la plaine et au loin la RN2. Le soir on regardait en famille en direction de Crépy (ou Gondreville ?)pour voir le « treuil »(dans les garennes : les sablonnières) : au sommet il y avait quelqu’un qui faisait des signaux pour les avions pour les parachutages d’armes. Il y avait une lumière dans la nuit ; des signaux et moi je me cachais derrière ma mère car j’avais peur.

(S.N. : Moi pendant la moisson, je conduisais les chevaux à la ferme, les charretiers chargeaient les bottes et il fallait faire avancer les chevaux de tas à tas. Et quand on était sur la plaine du moulin à vent au-dessus du cimetière de Betz, la plaine qui donne sur Bargny ; on apercevait la RN2. On était aux premières loges pour voir le mitraillage des avions, on voyait des véhicules qui prenaient feu. Elle était tellement fréquentée par les convois allemands. Tout au long il y avait des platanes et on voyait les avions faire du rase motte).

Mme N. : Il y avait aussi une infirmerie pas très loin de chez nous sur la route de Crépy côté droit dans une maison bourgeoise aussitôt la rue Carnot. Après ; c’était la plaine. Ce qui est drôle c’est que les Allemands y ont fait aussi la leur. Les soldats français habitaient dans Lévignen et je crois même qu’il y en avait un à la maison à l’étage.

AEC. : Avez-vous vu la construction des blockhaus ?

Mme N. : Non, j’étais trop jeune, une enfant, mais j’avais une copine de classe qui habitait rue de l’Etoile. J’allais y jouer parfois et, je me souviens qu’ils y avaient fait des souterrains coté droit, tout de suite, on y est allé joué un peu après la guerre. Mais ils ont été rebouchés assez vite. Ils étaient assez longs. Chez mes amies qui n’avaient pas de bonnes caves des souterrains avaient aussi été creusés pour se protéger des bombardements.

S.N. : A ce propos, à Betz, derrière l’école (il n’y avait pas encore les classes du haut) il y avait une petite porte et une tranchée avait été faite pour se mettre à l’abri quand on entendait des avions. On avait peur car quand il y avait des mitraillages à Lévignen après c’était pour nous. Je ne me souviens pas qui avait fait ces tranchées et quand. C’était un abri pour tous les enfants et ça nous est arrivé quelquefois d’y aller. Il était couvert par des bouts de bois , des branches et avec de la terre.

Mme N. : Alors nous à Lévignen, on a eu un gros bombardement en 1940. Tous les vitraux de l’église ont été cassés et une bombe est tombée sur une maison dans laquelle une dame a été tuée.(Louise VALTA) Nous on était à l’école et il y avait une bonne cave chez M.Joly notre instituteur. De nombreuses bombes sont tombées dans des jardins. De temps en temps il y avait un Allemand ; un grand monsieur qui venait chez nous de l’infirmerie. Il disait : « Oh madame, la guerre, moi laisser femme et enfant, la guerre pas bien.... » Il était très gentil. A notre retour d’évacuation, le voilà qui vient avec 2 poules qui n’étaient pas des notres. Ma mère n’a pas voulu les prendre parce qu’elles n’étaient pas à elle !! Il insista ! Il était gentil. Toutefois en notre absence des gens de Lévignen ont rendu visite à notre poulailler...Beaucoup de gens avait caché dans des trous creusés dans leur jardin de la vaisselle, de la porcelaine dans des lessiveuses. Nous, on ne l’a pas fait. Du coup ; il y a pas mal de choses qu’on n’a pas retrouvé.

 

MME N. : Je me souviens du 15 Août 1944, juste avant que les Américains n’arrivent et que l’on a failli brûler dans l’église. Ils ont failli tuer la famille Ardenois car Georges le Résistant jouait un double-jeu. Pendant que le réseau (dont faisait partie mon frère) faisaient des sabotages (sur la RN2 notamment), M. et Mme Ardenois invitaient des officiers qui s’occupaient d’un mirador qui se situait sur la route de Crépy (aussitôt le petit chemin qui va à Rouville) en face la carrière.

(S.N. : Je me souviens être passé devant en allant prendre le train à Ormoy-Villers à un moment où on ne pouvait plus prendre le train à Betz pour aller à Paris. Les Allemands avaient sans doute interdit la ligne ?)

Donc les Ardenois recevaient, avec Champagne etc.. Un des gradés venait souvent. Pas un S.S. Or, il y eut 5 parachutistes canadiens ?ou Anglais ? qui sont tombés sur Lévignen. M.Ardenois avait une grosse Talbot avec un grand coffre et un parachutiste caché dedans alors qu’il parlait avec cet Allemand !!! Mon frère qui travaillait à l’usine de galloches (établissements Vaux) à Boissy-Lévignen, était au bureau avec son chef. Eux aussi en avait caché un de parachutiste et on été mis en joue toute la journée. Il y avait 2 autres parachutistes que Mme Ardenois et Mme Joly (dont le mari était aussi dans la Résistance ; il faisait les papiers) qui allaient avec leurs paniers ramasser des champignons ou des fraises...et donner à manger à la Bauge (un rendez-vous de chasse) aux parachutistes. Deux d’entre eux sont revenus après la guerre. Ce jour du 15 Août, on allait à la messe (presque tout le pays allait à la messe) .Du moins les femmes et les enfants car il n’y avait plus d’hommes. Les Allemands étaient à la porte de l’église et frappaient du pied. La messe se passa et l’après-midi on retourna aux vêpres prier la Ste Vierge. La Gestapo voulait vraiment faire brûler l’église avec nous dedans, mais l’officier allemand qui avait été reçu par Mme Ardenois a empêché le drame. Il dira à celle-ci que si un jour elle va en Allemagne, elle se souvienne de cet officier qui l’a sauvée ainsi que son village. On aurait pu être victimes d’un Oradour ici à Lévignen !!!

Ce matin là, la fille de M.Ardenois entendit du bruit vers 6h dans une aile de l’habitation, ouvrit légèrement ses volets et qu’est-ce qu’elle voit ? Un grand car d’Allemands. Elle comprit et alla voir son père : « Papa les Allemands sont là !!! » G.Ardenois se saisit de son pistolet et monta dans la trappe aménagée dans la salle de bains se hissa dans le grenier et dit « Ils ne m’auront pas vivants ».

M.Ardenois ; on ne l’a plus vu pendant un moment. Il n’a même pas assisté à la communion de sa fille (le même jour que moi). Il se disait qu’il était passé en Angleterre. En réalité il était caché dans une meule de paille derrière chez nous. Ses parents qui habitaient tout près lui apportaient à manger. Cela a duré un bon moment ; plusieurs semaines peut-être ? (entre le 15 et le 28 Août).

Les Allemands prirent possession de la ferme, mirent en joue Mme Ardenois et ses 2 enfants. Ils ont fouillé partout . Le garde –champêtre avait toute la liste des 19 ou 20 Résistants dessus et il l’a donnée aux Allemands...pour de l’argent. On leur a dit qu’il y avait des armes cachées dans le cimetière, ce qui était vrai. La veille les Résistants étaient allés chercher les armes pour les emmener à la Bauge. Malheureusement, une arme était restée chargée et l’un d’eux a été tué. Il s’appelait Marc Martin ; sa femme était enceinte du 2ème. La balle lui a transpercé l’aîne. Mon frère qui était un de ses amis est resté auprès de lui et essayé de lui contenir son hémorragie. On l’a ramené chez lui en cachette dans la nuit, et il a fallu qu’on l’enterre le lendemain, qu’on le mette en cercueil. On a dit qu’il était mort subitement d’une maladie contagieuse pour ne pas qu’on le voit. Le lendemain, on l’a tout de suite enterré. Mme Ardenois qui avait sa voiture cachée sous des bottes de paille, aurait pu le sauver si elle avait pu l’emmener à l’hôpital.

Moi je ne savais rien, je ne savais pas que mon frère faisait de la Résistance, on me cachait tout.

M.Ardenois après la guerre fit faire la statue de la Vierge Marie qui se trouve en contrebas à la fourche. Il avait dit qu’il le ferait s’il s’en sortait.

Marc MARTIN : Né à Lévignen le 18 Juillet 1920, électricien , est mort le 16 Août 1944.

AEC. : Qu’est-il advenu du garde-champêtre de Lévignen ?

Mme N. : Y a quelqu’un qui l’a attiré dans les bois et on l’a pendu.

AEC. : Votre famille a-t-elle été impliquée dans la Résistance hormis votre frère ?

Mme N. : Mon frère était dans les écritures, il avait une machine à écrire cachée sous un lit. Je me souviens qu’il avait caché un uniforme d’aviateur dans la cheminée. Il était d’un bleu soutenu. Chez nous, rue Carnot,(la 3è maison) il y avait beaucoup de lapins, de poules et, dans les grands clapiers ; il y avait des mitraillettes. Un jour des Allemands sont venus , certainement sur dénonciation, chercher des « pistolets ». Heureusement, ma soeur qui était enceinte et qui était venue avec sa valise à la maison pour accoucher, était là, le petit lit prêt et les Allemands ont bien compris qu’il n’y avait probablement pas d’armes ici. Une autre fois, j’étais un peu plus loin à jouer chez mon amie Liliane Camus. Mon frère, Georges Ardenois et Camus y écoutaient les informations et entendirent passer une fois, deux fois des motards allemands. Ils se sont sauvés par les jardins, firent le mur pour gagner la plaine. Ils savaient qu’ils étaient recherchés. Mon frère par chance n’a jamais été pris. Le grand-père de ma future belle-soeur Josiane Alfred TALON s’est fait tuer par les Allemands .Ils passaient par là et l’ont tué.

Alfred TALON : Né le 28 Novembre 1876 à Bresles, maçon, revenait de visiter un groupe de F.F.I. lorsqu’il est abattu à Macquelines sur la route Betz-Lévignen le 28 Août 1944.

Mon père travaillait à l’usine de « galloches » et au passage des convois, des clous de semelles étaient jetés sur la RN2. Je me souviens aussi, qu’un jour un camion de bonbons avaient plus ou moins pris feu et des femmes du pays y avaient été, mais pas nous...

AEC. : Comment s’est terminé l’épisode G.Ardenois ? Parlez-nous des Américains.

Mme N. : Les Américains sont arrivés le 28 Août. Mon père qui était le chef de gare de Betz pendant la guerre en revenait..... Il y avait encore des Allemands, certains étaient cachés dans les bois. Il y a eu un accrochage au carrefour des « 3 Lurons » et 4 gradés ont été tués. VOIR RECIT J.LAMBERT Des gens du village en ont dépouillé !! Le lendemain à l’école on a eu de notre maître un cours de morale ! Nous les gosses on est allé les voir en se faufilant. Je me souviens avoir vu leurs pieds, leurs bottes. Je me souviens d’un camion non bâché avec des prisonniers allemands dans Lévignen, mais aussi d’une Jeep avec une mitrailleuse dans la petite rue qui descend à la « Sainte Vierge » pendant je ne sais combien de temps . Les gens qui passaient leur crachaient dessus et leur jetaient des pierres. Cela m’avait choqué !

Quand les Américains étaient là, il y avait des bals, des fêtes, mais nous on y allait pas. Mon frère était toujours à la guerre engagé à poursuivre les Allemands. Pas question qu’on fasse la fête !

 

Propos recueillis en 2013

Anne-Marie et Simon durant la guerre.                           Coll.Particulière.
Anne-Marie et Simon durant la guerre.                           Coll.Particulière.

Anne-Marie et Simon durant la guerre. Coll.Particulière.

Des enfants durant l'époque troublée de la guerre.
Des enfants durant l'époque troublée de la guerre.

Des enfants durant l'époque troublée de la guerre.

La Libération de Betz: Départ précipité des Allemands ( un Sd.Kfz 7 tractant un canon de 88) et arrivée des Américains. Photos Marc Pilot et M.Grosbois.
La Libération de Betz: Départ précipité des Allemands ( un Sd.Kfz 7 tractant un canon de 88) et arrivée des Américains. Photos Marc Pilot et M.Grosbois.

La Libération de Betz: Départ précipité des Allemands ( un Sd.Kfz 7 tractant un canon de 88) et arrivée des Américains. Photos Marc Pilot et M.Grosbois.

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