Nous proposons à nos lecteurs la transcription de trois interviewes réalisées par Charles Geurts (de la section des Anciens Combattants d'Acy-en-Multien) au début des années 1980. A cette époque, dans nos campagnes, il y avait encore certains Anciens de 1914-1918, très âgés dont Charles Geurts a conservé le témoignage. Il s'était alors rendu chez eux pour les interviewer et les filmer au camescope. Ces récits ont aujourd'hui valeur de témoignages précieux pour l'histoire du Valois. Nous remercions Charles pour cette heureuse initiative d'alors et de nous avoir confié les interviewes. Celles-ci transférées sur support numérique ont été transcrites et complétées par des recherches annexes. Nous vous en livrons ici l'essentiel en trois épisodes. Trois itinéraires de Valoisiens dans la Grande Guerre.
1. Léon LEMAIRE
Etat civil :
Léon Marie LEMAIRE est né le 29 août 1886 à Bargny d’Antoine Léon LEMAIRE et Victorine FREMONT
Au cours de sa vie, il a connu plusieurs domiciles : Mouy, Bargny (au recensement de 1911), Mouy à nouveau (Hôtel Châtelain), puis à Vincy-Manœuvre en 1919. Il est parti s'installer dans le Nord à Mouvaux (rue de Tourcoing) en 1921. Puis, il est de retour à Vincy en mai 1921 et enfin à Bouillancy, d’abord au-dessus du cimetière près de l’église du Bas-Bouillancy, puis à Gueux depuis 1924.
Il faisait partie d'une famille de 4 enfants. Il ne restait en 1981 que Léon et une sœur âgée de 82 ans vivant à Vincy. (Mme Joany ?). Enfant, Léon était un enfant espiègle d’après Mme Bizet.
Avant la guerre, Léon travaillait chez la Veuve Ducerf à Ormoy-le-Davien. Il changeait souvent de patron, se disputant souvent avec eux.
Alexandrine DUCERF, veuve, patronne cultivatrice, née en 1862 à Ormoy-le-Davien a deux fils Gaston et Lucien et un commis. (Recensement 1911) |
Après la guerre, Léon a travaillé chez Henri Vapaille à la ferme du château, mais peu de temps, puis est allé arracher les betteraves à Fosse-Martin, puis à Bouillancy chez le père Anatole PROFFIT pendant deux ans. Mais, il ne s’entendait pas avec le commis et partit travailler chez DELAITRE patron cultivateur à Bouillancy. |
Léon s’est marié avec Marguerite PLATEAU, née en 1896 à Kolbeke en Belgique. Il l’a rencontrée dans les champs de Boufflerd (cultivateur à la ferme de Nogeon) où, dit-elle, elle répandait du fumier ! C’était une immigrée belge. Ils se sont mariés deux mois après la fin de la guerre le 19 juillet 1919 à Vincy-Manoeuvre. Léon avait 33 ans. De cette union sont nées trois filles : Marie-Madeleine née en 1917 à Bailleul, Claire, née en 1920 à Vincy et Christiane née après 1926. Ils ont fêté leurs 60 ans de mariage en 1979 et ont 6 petits-enfants (3 filles et 3 garçons) et 8 arrière-petits-enfants (4 garçons et 4 filles).
Léon a 95 ans au moment de l’interview.
Guerre :
Léon fait partie de la classe 1906 et est soldat au 63ème RAC
Il est mobilisé le 8 août 1914 à La Fère. Il a alors 28 ans et est célibataire. Il fera la totalité de la guerre jusqu’en 1919.
Il a participé à la bataille des frontières de Belgique en août notamment à Mangiennes dans les Ardennes avec le 42ème régiment d’artillerie.
Le 27 Septembre 1914, il est en Argonne.
En 1915 en Champagne puis de mai à septembre aux Eparges. En octobre-novembre : à nouveau en Champagne
En 1916 : il est dans la Somme à la Côte 216, puis à VERDUN deux fois puis la forêt de Parroy (près de Lunéville)
En 1917 : Offensive de Craonne, Cormicy et Verdun 3 mois.
Lors des combats Léon a été blessé deux fois : le 1er avril et le 27 Octobre 1917.
En 1918 : Avocourt (en Argonne)
Démobilisé le 28 mars 1919 à Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne)
A reçu la croix de guerre avec médaille de bronze le 22 Octobre 1918 avec citation : « Conducteur courageux et dévoué, le 27 septembre au passage de la Dormoise sous un bombardement continu, a contribué à dégager un pont encombré par des voitures d’infanterie dont les conducteurs étaient tués ou blessés ».
Pendant la guerre sa femme Marguerite a évacué vers Bayonne et la frontière espagnole. Elle voulait venir à Vincy où elle avait une sœur mais c’était impossible. Elle n’a pu revenir qu’après l’Armistice.
Souvenirs de guerre : Léon livra à Charles quelques souvenirs épars mais encore vivaces:
Des souvenirs de longues et pénibles marches par exemple, mais aussi:
« On touchait sept sous tous les dix jours et un paquet de tabacs. On avait aussi du vin »
Léon a eu plusieurs permissions : 6 jours en 1915, 6 jours en 1916, 7 jours en 1917 et 2 fois 10 jours en 1918. Il est allé en permission chez sa marraine de guerre à Cherbourg. Visiblement, il a eu plusieurs marraines de guerre. Il logeait chez des gens, un commandant de gendarmerie.
Léon a passé son conseil de révision à Betz en même temps qu’une soixantaine de gars du coin dont Eugène BARLEMONT
Eugène Maurice BARLEMONT dit Lucien né le 2 mai 1899 à Réez-Fosse Martin fils de Louis Albert Barlemont et de Marie Léonie Thioux. Ouvrier agricole à Bouillancy. Il a été ajourné pour soutien de famille. Après la guerre, il fera partie de différentes sections d’infirmiers en Allemagne en 1920-1921, puis dans l’armée d’Orient et débarque à Beyrouth pour servir l’armée du Levant.
Pendant la guerre, il voyait Fernand BERNIER qui était dans l’artillerie lourde. Pendant un temps il le voyait tous les jours au ravitaillement
Fernand BERNIER né le 24 Janvier 1889 à Acy-en-Multien était maréchal-ferrant, charron. Il est mobilisé le 3 août 1914 au 1er régiment d’artillerie lourde. Il passe au 2ème escadron du train des équipages en février 1915 puis au 454ème régiment d’artillerie lourde en 1918. Il fera l’intégralité de la guerre.
A la mémoire de Léon LEMAIRE
Charles GEURTS
L'Equipe AEC
Léon . Photo Coll. L.Lemaire. Léon et son épouse Marguerite au moment de l'interview en novembre 1981