Cette année scolaire 2020-2021 les élèves de l'AEC ont travaillé sur le thème de l'Exode, un phénomène récurrent dans les guerres et en particulier dans les deux guerres mondiales. Ce fut l'occasion pour certains d'entre eux de découvrir que leurs ancêtres en avaient été les témoins voire les acteurs. C'est le cas de Cléa qui, a apporté au collège le récit de Rose, son arrière-grand-mère qui, avait été interrogée par sa famille sur cet épisode vécu. Avec l'accord de la famille et de Cléa que nous remercions, nous vous proposons ce récit.
L'Equipe AEC
NB: Les notes de bas de pages et les informations complémentaires qu'elles contiennent ont été ajoutées par l'AEC
Récit d’Exode.
Récit de Rose, l’arrière-grand-mère de Cléa.
Interview réalisée par sa famille le 10 Janvier 1990
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-Comment s’est passé votre départ pour l’Exode ?
R : Ça s’est passé dans la nuit du 16 mai 1940. Le maire de notre commune ; Verneuil-sur-Serre[1] dans l’Aisne avait donné l’ordre à tous ses habitants d’évacuer en Mayenne. Alors nous sommes partis vers 5 heures du matin avec des chariots et des chevaux et toute la famille. Sur les routes, nous avons été bombardés, mélangés avec des militaires et toutes sortes de personnes.
-Pourquoi vous êtes-vous dirigés vers la Mayenne ?
R : Parce-que la commune l’avait décidé[2], il fallait partir dans la Mayenne. Arrivés, nous avons été accueillis sur la place du village, puis toutes les familles, les gens étaient séparés dans les fermes et dans des logements du village.
-Où était-ce en Mayenne ?
R : C’était à Pré-en-Pail[3]
-Les habitants étaient-ils hospitaliers ?
R : Oui et pour la nourriture, ils nous donnaient leurs produits de la ferme, nous n’avions que le pain à acheter et la viande.
-Alliez-vous à l’école ?
R : Oui, j’étais à l’école Rivais pendant un mois, je faisais avec ma sœur 2,5 km par jour pour aller au village car nous étions dans une ferme à l’écart.
-Aviez-vous des informations sur la guerre et l’Armistice ?
R : Peut-être les parents, mais moi je ne m’en souviens pas à cause de mon jeune âge.
-Pourquoi êtes-vous partis de votre village ?
R : Parce qu’ils avaient peur de l’occupation allemande[4].
-Comment s’est passé le retour ?
R : Le retour s’est bien passé. Nous sommes rentrés le 14 juillet 1940, mais nous avons été obligés de nous arrêter à Soissons car les Allemands nous ont demandé un « laisser-passer » et sans, nous ne pouvions pas traverser le pont sur l’Aisne[5]. Après deux jours d’attente dans une pâture, nous avons eu le « laisser-passer ». Nous avons retrouvé le village de Verneuil, toutes les maisons avaient été pillées…
-Qui a donné l’ordre de rentrer ?
R : C’est le maire, car les Allemands étaient entrés dans Paris[6], l’Armistice avait été signé[7] et nous, nous avions honte de rentrer.
[1] Verneuil S/Serre est une commune du département de l’Aisne située au Nord de Laon sur la RN2 en direction de Marle et Vervins.
[2] Il s’agit en réalité d’une décision préfectorale (circulaire du 20 juin 1939) relayée par les maires du département. La destination était donc prévue de longue date.
[3] Pré-en-Pail (aujourd’hui commune de Pré-en-Pail-St Samson) est un village de la Mayenne situé entre Alençon et Mayenne dans les Monts des Avaloirs aux confins de la Mayenne et de l’Orne.
[4] « Les 15 & 16 mai, les habitants du Laonnois prennent le chemin du Soissonnais puis Compiègne ou Villers-Cotterêts ». https://www.aisne.com/sites/default/files/2019-11/la_bataille_de_france_dans_laisne_-_1939-1940.pdf
[5] La plupart des ponts de Soissons avaient été détruits le 6 juin tout comme ceux de Pommiers, Pasly et Venizel.
[6] Les Allemands sont entrés dans Paris le 14 juin.
[7] L’Armistice a été signé le 22 juin en forêt de Compiègne dans le wagon du Maréchal Foch.