ECHOS DE NOS VILLAGES DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE: NEUFCHELLES par M.André CANTIN 2ème partie.
Nous vous proposons aujourd'hui, un second témoignage de M.André CANTIN évoquant un épisode de la Libération à Neufchelles.
"Il fait un temps magnifique, pas un nuage ; c’est le 13 Juillet 1944, il est 10H30 au clocher de Neufchelles. J’ai 11 ans et je suis au bord du canal. Je suis en vacances chez mes grands-parents ; Mme et M.Marcel SIRE ; Je me nomme André CANTIN et je passe régulièrement la période des congés scolaires à Neufchelles. Ce matin là, pourtant, un bruit anormal, un énorme avion venant de la direction de Montigny-l’Allier passe au-dessus des peupliers, il est très bas et une fumée épaisse sort de la carlingue (il s’agit d’une forteresse volante américaine B17) . Quelques secondes se passent, 10 parachutistes apparaissent derrière le clocher et s’éloignent vers le Nord-Ouest.
Comme un gamin, je cours prévenir mes grands-parents, qui eux aussi constatent les faits ! D’un commun accord avec mon grand-père, ma grand-mère et moi partons à la recherche des aviateurs américains. (cela serait plus discret une femme et un enfant)vis-vis des Allemands qui ont leur observatoire à la tour de May-en-Multien (l’église). Ma grand-mère, pour se donner une contenance a pris soin de prendre son panier gris, comme si nous allions aux pissenlits !!!
Nous avançons toujours vers Mareuil et apercevons un parachutiste dans la cime d’un sapin « en chanoi ». Nous voyons les Allemands se diriger vers cet endroit.Quelques minutes plus tard, nous arrivons au lieu dit « la Vallée de Misère » une sorte de vallée profonde avec à son début un blockhaus datant de 1940. Au fond, la ligne SNCF du réseau Nord de Crépy-en-Valois. A ce moment, nous voyons 3 hommes marchant sur la voie. Ils regardent de notre coté, nous leur faisons signe de venir vers nous. Ils se mettent à courir, ils sont maintenant avec nous, nous nous réfugions dans le bois d’acacias qui est à gauche en descendant la voie ferrée. Le langage est très difficile, cela marche par signes.
L’un est très grand (1m93). L’un m’offre un chewing-gum, il paraît être le plus jeune, ils sont chaussée de bottes fourrées et combinaisons très épaisses. Ils ont très chaud et réclament pour boire, il est près de midi. Ils nous font comprendre qu’ils étaient 10 dans l’avion.
Ma grand-mère prend la décision d’aller chercher son gendre M.Charles SOL qui travaille près de la Grivette et qui parle anglais. Je reste donc seul avec les 3 aviateurs et nous nous cachons le mieux possible et nous ne parlons pas. Vers 14H ma grand-mère est de retour avec son gendre, là, nous apprenons que l’avion venait de bombarder au-dessus de l’Allemagne et pris à partie par la chasse allemande au retour. Il ne pouvait plus aller plus loin, car il était très endommagé.
Ma grand-mère et moi nous regagnons Neufchelles vers 16H tandis que M.SOL reste avec eux. Mon oncle, M.Raymond SIRE et mon grand-père vont retrouver M.SOL et, à la nuit, ils ramènent les 3 aviateurs à la maison. C’est avec joie que les retrouve le lendemain matin. Durant 15 jours, j’étais content de les côtoyer et de manger avec eux.
Le plus âgé se nomme Sergent Horace Di Martino ; il est radio à bord et habite Fall River (Massachussetts). Le plus jeune Harry E.WHITE , 18 ans environ était chargé de lâcher les bombes et habite Castle Ahyne (N.C.). Le plus grand Joé W.STEEWART ; mitrailleur à bord, habite Pensons (Alabama).
La nuit, ils dormaient dans le grenier à foin et le jour à l’abri des regards indiscrets ; ils voyaient passer les convois allemands qui allaient sur le Front de Normandie.
"Le 28 Juillet 1944 , ils étaient pris en charge par le réseau « Félix » de Lizy-Sur-Ourcq et partaient dans la fourragère à cheval conduite par des gendarmes.
Le 29 Juillet 1944, dans la matinée, la Gestapo, aidée de soldats allemands, perquisitionnaient la maison à l’époque de M.Hoc et mettaient tout sens dessus dessous sans rien trouver de compromettant bien sûr !! Ils s’étaient trompés de côté (heureusement), sinon peut-être aurions-nous eu de très gros ennuis. Il y avait eu une âme charitable qui nous avait dénoncé. Il n’y a pas eu de suite car c’était le commencement de la débâcle des troupes allemandes. Une semaine plus tard la BBC émettait le message personnel suivant :
« Les trois amis de Charly sont bien arrivés »
Nous étions très émus et contents à la fois.
Auparavant, le 3 Avril 1944 , un Liberator quadrimoteur américain était abattu par la chasse allemande sur la commune de Coulomb-en-Valois. Madame et Monsieur Sol ainsi que mes grands-parents et M. et Mme Sire recueillait un des occupants de cet avion. C’était le pilote Lieutenant Douglas J.EAMES habitant Boston (Massachussets), il devait rester jusqu’au 8 Avril 1944 à la maison et ce jour, prit le train à Mareuil-Sur-Ourcq avec M.Sol direction Paris avec beaucoup de soldats allemands dans le train.
A Crouy-sur-Ourcq, il a vu son avion en morceaux sur un wagon plate-forme sur la voie de garage gardée par des sentinelles ennemies. Après avoir passer quelques jours à Paris, il était pris en charge par un réseau spécialisé et regagnait l’Angleterre sain et sauf.
Pour la région de Lizy-Sur-Ourcq, le Dr Chastagnol, M.Jean Laire, M. et Mme Herpsont ont beaucoup payé de leur personne pour leur dévouement sans limite.
Pour l’histoire que j’ai relatée sur les six membres de la famille, seuls deux sont encore de ce monde : Mme Sol (89 ans) et moi-même. M.Marcel Sire est décédé en 1955 et son épouse en 1957 ; M.Sol en 1965 et M.Raymond Sire en 1997, qui durant l’Occupation était réfractaire pour éviter le S.T.O. et vivait chez sa mère à Paris Madame Gervaise Sire, qui, durant 3 ans était entrée dans les F.F.I. à Neufchelles avec M.Armand MORETTE qui était leur chef fin 1944."
M.André CANTIN
Le 3 Janvier 1999
Avec l’aimable autorisation de publication de M.André CANTIN . Mai 2013