Aujourd'hui Lucile nous propose l'incroyable témoignage de son arrière-grand-mère Charlotte Gardette qui, a 104 ans lui a relaté quelques épisodes vécus de la Première et de la Seconde Guerre Mondiale. Conserver les témoignages familiaux est une démarche précieuse, surtout lorsqu'il s'agit de la Première Guerre Mondiale car cela devient rare. Lucile s'est inscrite , par son travail d'investigation, comme un maillon essentiel dans la chaîne de la passation de l'Histoire de sa famille. Aujourd'hui, elle nous en fait profiter...pour notre grand plaisir...
Souvenirs de guerre de Charlotte Gardette
1914-1918
« J'ai 6 ans lorsque la guerre 14-18 commence. Je rentre à l'école à l'age de 9 ans en 1917, je fais ma scolarité à l'école de filles 249 avenue Gambetta à Paris, j'y apprends alors à lire à écrire à compter. Nous avons cours tous les jours de la semaine sauf le jeudi et le dimanche. Je reçois plusieurs prix pour bon travail et j’arrête l'école en 1920.
Le président du conseil élu à cette époque est Raymond Poincaré qui sera au pouvoir de 1913 à 1920. A cette époque la propagande n'est pas encore très présente car le seul moyen de communication est le journal, de plus dans le milieu ouvriers (puisque mon père était mécanicien) les habitants ne sont pas encore fournis en électricité.
J'habite à cette époque dans le 20ème arrondissement avec mes deux parents, mon père n'est pas parti au front puisque nous sommes une famille nombreuse de 6 enfants. En famille on ne parle pas de la guerre c'est un sujet qui fâche. Les conditions de vie sont assez compliquées pendant la guerre surtout pour une famille nombreuse, le gros problème pour notre famille était de pouvoir trouver la nourriture car nous n'étions pas une famille spécialement riche et que donc à l'annonce de la guerre nous n'avions pas pu acheter de grosses réserves. Nous étions alors obligés d'aller nous nourrir à la Soupe Populaire l'autre gros inconvénient était les bombardements à partir de 1917 les bombardements sont de plus en plus nombreux pratiquement tous les jours. A partir du moment ou l'alarme retentissait il fallait aller trouver un abri mais cela était assez compliqué lorsqu'on avait une famille de 6 enfants, du coup la plupart de temps avec ma famille nous allions nous cacher dans la station de métro Gambetta.
Il y eu pendant la guerre une épidémie de grippe espagnole ma mère l'avait attrapé c'était donc mon père qui devait s'occuper de la maison ! »
1939-1945
« Entre les deux guerres je me suis mariée et j'ai donné naissance à un enfant, un garçon né en 1935. En 1939 mon mari était parti à la guerre je me retrouvais alors toute seule pour élever mon enfant.
Au début de la guerre le manque de nourriture se fait moins ressentir que pour la première fois, on se nourrit grâce à des petits tickets qui sont distribués. Les groupes révolutionnaires ne se montraient vraiment pas je n'ai donc jamais été au courant de quoi que ce soit à ce sujet je savais juste que le groupe de révolutionnaires Manoukian avait sont siège impasse du progrès pas très loin de chez moi. On avait le droit en général de se déplacer librement pendant la guerre sauf à partir de couvre feu et il y avait quelques contrôles de fait dans les trains. Les allemands communiquaient quelques fois avec la population mais c'était rare car il n'étaient pas appréciés par la population française. En 1945 j'ai vu avenue Gambetta les Américains qui arrêtaient tous les allemands. Mon mari est rentré de la guerre en 1943 car il s'est fait passer pour tuberculeux pour pouvoir être rapatrié en France il n'avait en faite qu'une maladie cardiaque, dont il décéda tout de même en 1952. J'ai eu aussi un cousin fusillé avec Guy Moquet puisqu'il était communiste il s'appelait Maurice Gardette il a d'ailleurs maintenant un square à son nom. »
Voilà les quelques souvenirs que mon arrière grand-mère m'a fourni sur les deux guerres mondiales elle a maintenant 104 ans et habite toujours dans le 20 ème arrondissement de Paris ce depuis son enfance.
Lucile